312
Aurélien Harmand
Novembre 2012

Les soirées du jeudi soir n'étaient vraiment pas pour elle à en juger l'état de fatigue dans lequel elle avait traversé sa journée. Et celle-ci, malgré l'heure tardive n'était pas finit.

Trois minutes! Seulement trois minutes qu'elle avait quitté son appartement, seulement le temps d'allé au bout de la rue et... il manquait quelque chose, elle avait oublié quelque chose... portable ok, clefs ok...ok, mais non... Bref, de toute façon il lui restait 7mn avant d'embaucher donc pas de retour possible.


Deux heures de travail l'attendait. Travail n'était pas vraiment le mot à employer vu l'intensité et l'incohérence de la tâche à accomplir. Un ticket poinçonné, quelques couloirs , quelques volées de marches et elle s'engouffrait dans le métro. Et voilà, et pourquoi? Pourquoi se retrouvait-elle dans la rame de Marc l'accordéoniste? Fallait-il ajouter à l'odeur et à la saleté du métro une nuisance sonore supplémentaire? Cette horrible musique ajoutée à sa fatigue, emplifiait son mal de crâne. Mal de crâne dû à ces merveilleux bonbons rose qu'elle avait pris quelques heures avant de se coucher pour pouvoir mieux profiter de cette soirée mémorable. Quoi de mieux que de découvrir une boîte inconnue de la majorité, puisque qu'illégale, où toutes les drogues et les nouvelles technologies étaient autorisées? Deux stations, ça devrait aller. Elle n'aurait pas été retardée elle aurait été travailler à pieds bien tranquillement, comme d'habitude. De toute façon l'hiver arrivait et la chaleur le fuyait donc le métro n'était pas non plus une punition. Non contente d'arrivée à destination, elle se précipita hors de la rame et allant d'une démarche rapide vers la sortie, elle croisa quelques personnes dégoulinantes. Cétait ça, le parapluie.. oublié.

Une minute de course sous la pluie suffit à la tremper. Tous juste à l'heure. Comme cinq soirs par semaine, elle franchissait l'entrée, se rendait au troisième, rencontrait le même type à l'accueil, lui laissait la totalité de ses affaires, passait le portique de sécurité et récupérait la clef 312.
Un tour de serrure dans la 312, dans un couloir qui laissait voir une dizaine de portes similaires et elle entrait dans son bureau. Bureau merveilleusement propre. Des murs gris clair, un sol gris pailleté de ceux dont on se demande s'ils ont choisit le plus laid de la gamme comme d'un fait exprès, un merveilleux néon, une chaise simple mais confortable, un bureau, un ordinateur et un téléphone. Voilà à quoi se résumait son travail, pas de collègue, elle ne connaissait personne excepté le type de l'accueil. Du genre "bonjour" - "Bonsoir".

Cent vintgs minutes à attendre que le téléphone sonne, qu'on lui donne une série de numéros, qu'elle les rentre dans le logiciel qui lui même redonnait une série de chiffres et de lettres qu'elle transméttait par e-mail à une adresse cachée. Alors que dire de tout ça? Ca n'était pas vraiment enrichissant, ça ne faisait rencontrer personne, c'était plutôt ennuyeux, c'était plutôt bien payé. C'était surtout ça, deux heures par jour en semaine c'est tout ce qu'on lui demandait, ça payait son loyer et un peu plus. Quand on est étudiante, c'est trés bien.

Alors pendant tout ce temps, ce temps où elle attendait ces chiffres, elle avait bien réfléchi au but de son travail. Pourquoi? A quoi servait-elle? C'était assez pathétique de se dire qu'on était un pion utilisé comme un relais entre... entre qui? Elle ne connaissait pas non plus son employeur, une annonce sur internet, quelques questions et elle était prise. Probablement que cet employeur en connaissait bien plus sur elle. Depuis trois mois elle venait ici. Et l'homme de l'accueil? Connaissait-il plus de chose qu'elle? Ou bien comme elle était-il embauché pour prendre des affaires, vérifier le portique de sécurité et donner des clefs sans poser plus de questions? Elle devrait lui demander...
Téléphone.

C'était Marc encore.

"oui c'est bon"

"ok, 785 249 56 200 010 33 544 114 2222 99 618"

"785 249 56 200 010 33 544 114 2222 99 618"

"c'est bon"

Qu'est qu'il est sympa Marc quand même! Des chiffres encore, elle avait bien essayé de leur trouver un sens, mais ils n'avaient à première vue aucun rapport entre eux... Numéros de téléphones, numéros de compte bancaires, dates, coordonnées géographiques, codes à déhiffrer, date de naissance... Mais non, ça n'avait rien donné. Bon de toute façon elle les avait devant elle juste le temps de les rentrer dans son logiciel qui les criptait, lui donnait une nouvelle série de chiffres et de lettres qu'elle devait envoyer par mail... Et le travail était fait.

Elle était peut-être complice de terrorisme, ou l'objet d'une grande étude du comportement humain, ou juste un pion sans importance. Et puis? Combien de personnes font la même chose toute la journée en sachant ou non à quoi cela sert sans penser aux conséquences? Ca paye un loyer on ne va quand même pas tout foutre en l'air pour des hypothèses, pour des gens qu'on ne connait pas.

Les mêmes questions comme chaque soir. Affalé sur sa chaise, la tête posée sur ses bras croisés sur le bureau, les cheveux trempés, dans l'attente d'un hypothétique futur appel. Et oui parfois Marc n'appellait jamais. Parfois il appelait une dizaine de fois, parfois il avait une grosse voix, parfois il était entouré d'autres personnes, dans une foule, parfois il était une femme. Mais il ne restait jamais longtemps au téléphone. L'envie lui prenait de lui poser des tas de questions, de ne pas respecter le protocole, mais c'était le licenciement assuré. Alors non. Et si elle ne répondait pas? ça changerait quoi? Un maillon manquant briserait-il toute la chaine, ou bien Marc tomberait sur quelqu'un d'autre. Aprés tout elle n'était que la 312. C'était bien que dans les autres pièces il y avait du monde.

Cette fois-ci, pour la première fois, elle ne respecta pas le protocole, le temps de réaliser qu'elle n'était pas chez elle, qu'elle sétait endormie, que le téléphone sonnait... Elle répondit à la quatrième sonnerie, lui échappant, prononça le prénom de Marc, ce qui étonna son interlocuteur. Le protocole n'étant pas respecté, un prénom qui plus est ayant été prononcé, l'homme à l'autre ne bout de la ligne ne pouvait ainsi pas se livrer à sa tâche et raccrocha précipitamment. Les numéros ne purent être donnés, ne purent être rentrés dans l'ordinateur. Aucune autre liste ne lui fût retourrnée. Aucun e-mail ne fût envoyé. Elle resta figée, réalisant ce qui s'était passé. Et rien ne se passa plus. Elle ne reçu pas d'autres appels et finit son travail 10mn plus tard, elle reprit ses affaires à l'accueil, rentra chez elle à pieds. Qu'avait t'elle fait? Qu'allait faire l'homme qui n'avait pas donné tous ses chiffres. Sa vie ne changea pas, son engagement prit fin rapidement. Sa vie reprit sa banalité.
Toutefois, son action n'avait pas vraiment été sans conséquences, mais pas pour elle, et pas ici, ni maintenant. Son acte aurait des répercussions dans ce temps futur où les appels étaient émis. Ce temps qui avait besoin du passé pour pouvoir vivre.

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