LES AMOURS DE LA LUMIÈRE - Version 3

Chapitre 1 
Par Martine Alliot Miranda

Allongé sur le sable de cette plage déserte, plongé dans ses pensées, alors que le vent même giflait son doux visage, il songeait à son amour déçu.Tel un ange déchu ayant perdu ses ailes, incapable de prendre son dernier envol, il se laissait mourir sans vouloir revenir. Combien était-il faible de n’avoir su garder ce trésor qui lui était donné !

Tout avait commencé avec l’île du Dragon. Point de beaux paradis ou de château hanté par de vieux ectoplasmes, un simple jeu d’ados, un jeu idiot mais rigolo. Enfin ! Rigolo pour des ados. Mais eux, n’étaient plus des ados, il l’avait oublié. Son portable sonna, il ne prit pas l’appel, contemplant tristement la lumière du jour décroître, tandis que sa douleur emplissait l’abysse infini de son désespoir.

Ses pensées reprirent leur envol vers celle aux yeux de jade qui avait réussi à capturer son cœur. Il se sentait mutant, amputé de son âme, tel un mathématicien privé de son arithmétique. Il sourit de cette dernière comparaison ; « pas tellement poétique » et songea aux mots qu’elle aurait employés pour exprimer ce qu’il ressentait à cet instant : Tel un trait de lumière, aux rayons colorés de multiples lueurs, tu as frappé mon cœur d’une vive douleur, ne laissant au passage qu’une empreinte sanglante d’un beau rouge carmin qui brûle les souvenirs. Tu me laisses héritier de tous les maux du monde dans cette cité en feu où la bête se consume essayant de percer le mystère souverain du sentiment humain : l’amour ! L’amour lumière, celui qui passe si vite, ne laissant aucune chance pour celui qui ne sait, tendre la main à ce moment précis.

Il se savait bel homme. La quarantaine, un mètre soixante-quinze, quelques kilos en trop mais possédant une musculature agréable. Ses yeux étaient ce que les femmes appréciaient le plus, surtout lorsqu’il riait, car alors, des étoiles apparaissaient à la surface de ses iris et ses yeux pétillaient de malice. Avec elle, il en avait joué sans savoir qu’en retour, c’est lui qui souffrirait.

Pour elle, il n’y avait qu’éloges et son dernier regret était de l’avoir blessée alors qu’il l’aimait et ne pouvait l’avouer. Ses antennes intérieures vibrèrent. Son métier avait aiguisé son sixième sens, il était en alerte. Quelqu’un s’approchait par derrière tout doucement. Sa femme s’assit à ses côtés et lui enserra la taille. Il passa son bras par-dessus ses épaules sans lâcher l’horizon du regard.

— Je m’inquiétais, tu ne répondais pas.

— J’avais besoin de calme. Je m’apprêtais à rentrer.

— Nous pouvons rester un moment si tu veux.

« A condition que tu ne dises rien, que je puisse encore penser à elle quelques instants et lui dire que je l’aime » souhaita-t-il en lui-même. Mais il savait qu’il serait impossible d’obtenir plus de tranquillité que ce qu’il venait d’obtenir. Il se leva.

— Non, c’est bon, j’ai faim, nous pouvons rentrer.

Et tandis que sa femme lui attrapait la main, jacassant joyeusement, racontant sa journée, il se retourna une dernière fois et regarda la lune lui sourire tristement.

Il continua de songer que finalement la vie n’était qu’histoire de mots ; des mots prononcés trop vite, des mots prononcés trop tard ou trop tôt, des mots murmurés, des mots interdits, des mots oubliés, des mots non-dits, des mots qui tuent, qui blessent ou qui caressent et même des gros mots. Mais pour lui ce serait des mots cachés, des mots qui tuaient sa vie, car même s’il faut toujours respecter ses serments, il faut aussi savoir prononcer certains mots toujours au bon moment.


Chapitre 2 
Par Anne Laplante


Non finalement, les mots ne sont pas adaptés à l’amour. Les sentiments s’invitent au bord de vos certitudes et ne jamais disparaissent de votre vie. Alors, désemparé devant sa femme gaie et turbulente en cette soirée méditative, il lui apparaît un destin déchiré, défait, désuni, martyr de cette voix intérieur. Oh oui ! Il avait aspiré au bonheur idéal, celui qui vous mène de-ci de de-là, vous transporte d’illusions fécondes et ne savez pas pourquoi. Alors à son corps défendant il se laissa bercer par la voix de celle, qui toujours avait su lui remettre son cœur à l’endroit.

Blessé tel l’oiseau à qui l’on a coupé les ailes, il s’abandonne à sa vie monotone. Que représentera maintenant les anciennes amoures perdues aux creux de bras insouciants et emplis d’une douceur gracile. Celle de la jeunesse bien sûr, celle de la pureté, mais à jamais celle perdue faute de courage, faute d’ambition, faute de… ???

Jamais tu ne retrouveras l’insouciance de cette jeunesse, toi qui es au début du crépuscule de ta vie, elle goûtant à peine l’aurore débutante. Elle était gaie vive et remuante, elle portait dans sa jeunesse les prémices d’une vie de plaisirs et d’amours partagés. Mais alors, pourquoi, pourquoi avait-elle insufflé à cet homme quadragénaire une nouvelle inspiration, un air frais et naturel, une vie tout simplement. Sa vie oh ! elle était passée entre son travail, que l’on dit toujours accaparant, une famille, non moins gênante parfois, cependant il culpabilisait secrètement l’amour de sa jeunesse passée. Nous aurions pu, s’il avait été dans l’air du temps, profité de nos amoures débutantes et partir au hasard, errer et divaguer, on ne sait où, on ne sait pourquoi, ce que l’on retient, ce sont les plaisirs défendus et tellement mystérieux.

Mystère tu es, mystère tu te garderas de donner réponse, sinon comment le monde pourra-t-il escompter un jour trouver le bonheur de la jeunesse, des faux pas, des négligences, des retrouvailles bruyantes et zélées. Mais ! Nécessaires à l’expérience et à la connaissance de l’autre. Jamais tu n’as prévu de laisser aller ton âme aux désirs fous d’un partage communié. Sans doute trop occupé par une carrière attrapée au lasso, tel le cow-boy sur son cheval courant après le bétail dans les plaines de l’Arizona. Qu’importait la turbulence à tes yeux, il te fallait convaincre de ta supériorité, mérité ta place attribuée au côté de beau papa, enfin beau, surtout abrégeant les heurts des concours et preuves à donner de ta valeur. Oui, tu as tout pris d’un seul coup. La jeune femme incrédule, qui toujours pense que l’amour à guidé tes pas vers son destin, mais toi vénal au plus haut degré visait le siège bien rembourré d’un beau papa, haut si haut placé, qu’il voyait en un regard, l’ensemble de ces petites mains qui lui donnaient fortune.

Aujourd’hui… bien aujourd’hui… c’est aujourd’hui ! Rien… plus rien !

Tu as perdu l’innocence que tu n’avais jamais connue, tu te demandes comment à votre âge vous pourriez s’il était possible de recommencer, reprendre à zéro et finir une vie au mieux de ce qu’elle a commencé. Oui bien sûr elle a assuré ta descendance. Oui bien sûr elle s’est toujours occupée de tout à la maison. Oui bien sûr tu étais là pour approuver. Mais finalement approuver quoi ? Si ce n’est un esprit, une raison argumentée certes, animée sans doute, mais en quoi t’es-tu investi dans ta famille aujourd’hui grande étrangère de ta vie.

Seul, tu restes seul, dans ta maison, dans ta famille, dans ton entreprise. Seul…

Après tout as-tu cherché à qui ou à quoi tu pouvais servir, changer le mode d’emploi, inventer une nouvelle façon d’aimer, une nouvelle façon de diriger, une nouvelle façon de vivre…

Cette vie tu l’as effleurée et déflorée, mais maintenant tu as perdu tes certitudes et jamais, tu ne retrouveras l’amplitude d’un destin partagé.

Seul, face à face avec toi-même, face à face avec tes mensonges, face à face avec ta solitude. Mais, imagine, imagine, imagine… Vois le berger libre ! Vois le pêcheur plongé dans les songes d’une pêche miraculeuse ! Vois les chercheurs ivres de joie les larmes aux yeux quand enfin s’ouvrent à eux le mystère de la vie…

Montre-toi innovant, prend la main de ta femme, part, crie, joue et amène-lui le bonheur qu’elle mérite. Extirpe-toi du carcan dans lequel tu t’es glissé. Ôte ton armure, ôte tes préjugés. Abandonne ta responsabilité, il est temps de déléguer.

Chaque jour qui passe est un jour perdu, combien comptes-tu en perdre encore avant de te réveiller avec une gueule de bois et un irrassible mal de tête ? Penses-tu que le jour où sonnera la retraite tu puisses te glisser dans une vie qui t’es étrangère.

Comme dirai un chef de gare, raccroche les wagons et n’attends pas le passage impromptu d’un quidam butinant les femmes esseulées. Oh toi ! Toi qui connais les bonheurs indicibles que réserve la vie, donne, pour une fois donne, en échange d’un bonheur insoupçonné. Donne de ton temps, de ta vie, de ton envie… Mais donne, elle attend, elle rêve, elle se fait un cinéma indiscret et espéré. Donne ton amour, ton bonheur, ta joie, ton temps. Sans temps que peut-on attendre au sein d’un couple, sinon la platitude d’une vie trop bien rangée, tirée au cordeau. Trop longtemps tu n’as pas écouté au creux de ton corps les palpitations d’une vie différente. Un agrégat de molécules positivo-non conventionnelles, mais si tendrement compatible avec ta famille, ta femme. La personne à qui tu as voué ta vie.

Des écarts oh oui bien sûr, tu en as fait, sans doute n’est-elle pas dupe, mais n’oublie pas le regard de ses vingt ans. N’oublie pas les promesses, n’oublie pas vos espoirs, n’oublie pas le passage. Le passage s’il existe vers une vie de certitudes à deux et tes enfants te regarderont autrement que le portefeuille familial. Bien oui comment peuvent-ils te voir ? Tu n’as jamais baissé les yeux vers eux autrement que pour un anniversaire ou une fête de famille. Egoïste oui tu l’es, égoïste oui tu le revendiquerais même. Ta nature semble-t-il tu l’as retrouvée, celle cachée au plus profond de toi, celle que tu as réprouvé avec tant de sarcasme, celle qui aurait gêné ton ascension. Peux-tu dénoncer cela.

Il est temps que le temps revienne vers une unité. Une unité familiale, conviviale. Rattrape et réintègre ta vie, celle que tu aurais dû construire, pierre après pierre, événement après événement, mais au grand jamais oublier qui tu étais enfant.



Chapitre 3 
Par Anne Laplante



Non finalement la lâcheté est plus forte, il se réfugie dès le matin dans ses rêvasseries qui le pousseront la journée durant, de plan, en autre plan sur des comètes aussi étranges qu’irréalisables. Que serait-il aux yeux des autres, devant un départ. Un lâche ! Un trouillard ! Celui qui fait passer son confort au détriment d’une vie familiale qu’il a quand même su construire ? Enfin construire, le plus juste est sans doute la soumission à la règle immuable d’un couple qui rentre dans la conformité d’un destin tracé, de générations en générations, qui se passe de mère en fille et de père en fils...

Etait-il prêt à connaître l’uniformité ? A-t-il eu le temps de se prouver qu’autre chose ne se proposait à lui ? Mais la vie est indigeste et tellement pleine de rancœurs qui vous frappent au visage de manière vulgaire. Jamais non jamais il n’oubliera la fraîcheur, d’une âme infantile et si douce, parfois arrogante ou dérangeante, mais bousculant ses certitudes. Tout cela pourquoi ? Oh simplement voir si ailleurs l’herbe était plus verte. Savoir si à son âge il pouvait encore lever un corps fourbu de convictions, déçu de certitudes, ronronnant de platitudes.

Platitudes ! se dit-il mais comment emmener toute sa petite maisonnée à réfléchir sur une vie formatée, qui rentre tellement bien dans des cadres adaptés, des formations utiles, des copinages essentiels, bref leur vie qui les mènera tous vers la sagesse d’un parcours tranquille et sans remise en question.

Raison lève-toi il a perdu ses repères ! Oh armes dressez-vous il se confond dans l’infortunée solitude ! Ciel, Ciel couvre-le il a perdu ses convictions. Oh Dieu il a perdu de vue son rang…

Mais après de telles parlottes intégrales, mystères de sa vie ! Après tout « après moi le déluge ». Certes il n’y a pas plus égoïste comme raisonnement. Mais mes certitudes bafouées, mes devoirs désactivés, beau papa bien implanté dans son fauteuil, moi qui courbe l’échine pour ne pas faire de vague… Que suis-je devenu, sinon un pauvre hère débile de solitude, courbatu de faux semblants, le corps douloureux d’un vrai faux amour, la vie qui m’est tombée dessus sans m’en avertir. Moi, les autres, ma femme, mes enfants, beau papa et Moi. Finalement un démon ronge mes idées préconçues et dispersées. L’inaptitude se déclare présente et m’offusque de passer à autre chose. Un quadragénaire à nouveau sur un parcours non balisé. Rien que cela vous redonne la vigueur de votre jeunesse dépassée, utilisée à se faire les relations essentielles à une douce vie…

Que peut-on faire dans une vie toute neuve dont on ne connaît pas le fonctionnement ?

Finalement avoir des certitudes rassure. Mais elles ne permettent pas la remise en question de nos actes journaliers. Il y a en à qui disent métro, boulot, dodo, moi je suis diffèrent : Epater, ranger, surpayer outrageusement, 2 voitures de luxes, des scooters de luxe, une maison de luxe avec piscine de luxe et tout ce qui va avec : sauna, hammam, douche, bar, déjeuner en bord de piscine (même l’hiver hein !) c’est pas beau la vie ? Ça peut donner envie ? Alors à vos crédits, rajoutez une belle construction au fond de votre jardin, faites-y creuser un grand trou, puis cimentez le tout. Ensuite carrelez l’ensemble, enfin remplissez le grand trou d’eau, sans eau ça fait mal à la tête, quand on plonge ! Au final vos économies sont parties en fumées, vous être obérer de crédits, pour clore cette description de vos projets enfin réalisés en beauté, vos enfants vous réclament la dernière boxe à la mode. Ballot n’est-il pas ? Franchement vous avez l’air bêta face à votre luxe outrancier. Alors la place, je vous la laisse…

J’avouerai, à ma famille, demain que je reprends, mes cliques et mes claques et basta, à moi la liberté. LIBERTAD. Je veux vivre ma vie, celle que personne ne déforme, ne contrarie. Vos enfants qui en veulent toujours et encore plus, votre épouse dispersée entre coiffeur, soins en institut de beauté. Les rendez-vous de papotages avec les copines et le soir elle vous casse la tête avec les concerts à ne pas manquer, les expositions où il faut être vu et votre préférer : l’opéra (ou le théâtre ça dépend des mois). Vous voilà embarqué dans un bel imbroglio de visites, rencontres, temps perdus, bonne figure devant tous les grands de la ville, mais en fait vous ne restez que le collaborateur de beau papa. Imaginez le jour où beau papa vous cède la place ?

Je ne suis pas né pour vivre dans ce carcan.

A moi les grands espaces, la verdure, les chevauchées, car que je n’ai toujours pas oublié, mon cheval qui m’accompagnait dans mes folles courses en forêt. Je me souviens, Joséphin, cheval blanc immaculé. Je prenais un malin plaisir à passer dans les flaques boueuses. La grande complicité entre moi et mon cheval, lui qui adorait l’eau et moi qui aimais tant lui frotter le dos. Je me rappelle, oh combien c’était agréable pour lui, une gratouillette derrière les oreilles, là ou il n’avait pas accès, avec ses grandes pattes et ses sabots ferrés. Là je dirai que je commence à tenir le bon bout. Mais attention ! Pas de concours hippique, ah non ! Juste un moyen de transport non polluant et armé d’une tente, de longues soirées devant un doux feu, qui réchauffe mes os vieillissants. Oh ! Quelle belle idée…


Adieu maison, famille, boulot. Fini les contraintes, bonjour la joie de vivre, les arrêts dans les maisons de jeunes, elles accepteront bien un locataire de plus ? Juste pour une soirée. Puis l’on abordera les montagnes et les chalets, refuges des touristes de la nature. Pour le reste, maman m’a gardé la maison que papa avait un temps remise en état pour nous accueillir après notre mariage. Aujourd’hui c’est dans ma simplicité retrouvée qu’elle abritera, mon cheval, moi et mon petit égo.

À vous d'écrire la suite !

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