Tamoul Marinière
Dominique Bar
Novembre 2012
Levée 7 h et direction le bord de mer pour un réveil en vagues. Il faut rouler un peu de temps pour trouver la plage. Le bord de Pondichéry est protégé par des rochers. En cherchant, je repère des villages de pécheurs. Oh comme c’est pittoresque ! J’aimerais assez vous décrire ces endroits particuliers mais ils ne m’évoquent rien. Des lieux de vie que je devrais investir en tant que participant mais ce n’est pas le cas. Donc vous n’en saurez rien. Désolé. Ah si ! Un couple de pécheurs à la peau très noire semble se diriger vers moi. Ils parlent tamoul. J’ai fouillé Gibert Jeune, je n’ai jamais trouvé la méthode Assimil, à six mille non plus… J’essaye de leur faire comprendre en anglais que je ne parle pas leur langue mais ils ont l’air d’insister… Après un moment je me retire mais ils me retiennent. No fish ! Leur dis-je. Ils m’entraînent
dans leur case et les lieux m’impressionnent. Un foyer central avec de judicieuses ventilations pour évacuer la fumée comme au temps du magdalénien. Ils ont tous les deux des regards de braise et ils me scrutent d’une façon si intense que la gène m’investit. Je ne sais pas quoi faire ni quelle attitude adopter. Pourquoi m’ont-ils emmené sous leur toit ? Aucune idée… Peut-être juste pour s’imprégner de la présence d’un étranger… Voler mon scooter ? Merde, je sors précipitamment ! Non il est là… Cplt parano… Ils ont compris pourquoi j’étais sorti brusquement, j’espère qu’ils ne s’en offusquent pas. J’avais l’intention de me baigner et eux me retiennent là sans que je sache vraiment pourquoi. Je ne peux même pas communiquer. En plus je n’ai rien d’un ethnologue. Trop individualiste et attaché à mon petit confort bourgeois. Je m’imagine vivant dans ces conditions, enfin plutôt, je n’arrive pas à l’imaginer. La différence est trop grande. Peut-être la pêche et au retour une femme ... C’est à y réfléchir. Mais où est-elle ? Dois-je me convertir à l’hindouisme et faire leurs salamalecs journaliers, je ne m’y vois pas. Admettons ! J’investis l’argent qu’il me reste dans un moteur et devient actionnaire de la multi locale TAMOULFISHBAR. Il y a peu de barque avec des moteurs. Je les ai vus du balcon ramer comme des galériens. Avec un tel appareillage, nous devenons productifs et économisons nos forces. Il faut encore aller au marché pour la vente. Nous devons raccommoder les filets… Ça pourrait être rentable car les Indiens achètent leurs produits en frais chaque jour. Peu, ont des congélateurs et la transformation n’est pas répandue. Comme je ne sais toujours pas pourquoi je suis là, je leur fais comprendre que je vais partir et amorce un retrait progressif. Ils commencent à baragouiner en tamoule et je fais OK OK et enfourche mon scooter ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?
Avant que je ne puisse démarrer, une femme entre dans notre scène. Elle arrive de la plage. Elle est belle. Plus belle que la femme de ce couple. Qui est-elle ? Sa peau est si noire que ses yeux semblent clairs. Mon engin ne démarre pas ou plutôt c’est moi qui suis démuni devant cette entité. Elle me sourit sans essayer de me séduire. Voilà sa véritable séduction. Je reste planté là, les pieds enfoncés dans le sable comme une tortue qui va pondre. Le couple semble se jouer de ma déconvenue. Elle se rapproche, elle a une natte qui lui caresse le bas du dos. Elle porte, comme beaucoup de femmes en Inde, un haut de poitrine assez court qui s’arrête à peu prés au niveau des dorsales. La zone qui suit est nue. Sa natte est posée là comme une offrande. Des fleurs y sont tressées. Sa peau du nacre d’ébène brille d’un grain inattendu. Tout son corps se tend vers l’unité. Elle sourit et son intérieur s’illumine. Je m’efface devant elle alors que son humilité me submerge. Mon abdication est encore un élan d’orgueil. Oh ! Krishna, Radha, Khali j’en appelle à vous et à tous ceux qui peuplent votre panthéon. Vous êtes beaucoup trop et je m’inquiète. Mon dieu vide de sens a essayé de m’attirer vers lui. Malgré l’invention de son Christ coupable il demeure toujours une hypothèse. Cette femme s’est transformée en déesse. Je ne sais plus… Comment m’est-elle apparue ? Un rite magique ? Des mantras désopilants ? Ses cheveux sont d’un noir de jais. Cette natte m’indique le creux de ses lombaires et le jeu d’ombre qui se dessine sur sa peau. Si je remonte, il y a la délicatesse de trois plis à la commissure de ses aisselles. Sa poitrine est gonflée. A chaque inspiration ces plis se disjoignent, s’écartent les uns des autres pour former un éventail de douceur. Parfois (ressent-elle mon émoi ?) Son sourire disparaît. La profondeur de son regard se met à me vriller l’âme, l’esprit et tout le reste. Il n’y a pas de sexe dans tout cela. La beauté incarnée s’est fait femme. Devant mézigue. Là au bord de l’eau et loin de sa patrie… Le destin est bien cruel. Que vais-je faire de tout cela ? Le rejeter à la mer. Dommage, mon idéal féminin. Je l’ai rêvé, idéalisé, construit femme après femme au gré des rencontres et des liaisons bancales. Le ressac, depuis un instant, me dépose des murmures insensés. Les vagues roulent et colorent la berge. Une mousse s’y attarde un peu puis disparaît. Déjà la couleur du sable a changé. Le soleil s’en est emparé pour quelques instants. La pente est rude et la vague suivante a du mal à remonter. Je me sens envahi par un mouvement océanique. Je me retourne… Le couple a disparu. J’ai l’impression de n’y porter qu’une attention relative. Une vague m’a emporté. Je roule et me fonds avec la houle. Ma ligne d’horizon s’est détournée de ma présence physique. Où est cette femme qui semble être à l’origine de cette étendue ? De cette «déconvenue maritime » pourrait-on dire…
Je prends mon premier bain de mer dans le golfe du Bengale. L’eau est claire. Tiède. C’est propre. Il y a des maisons de paille en bordure et semble t’il, des activités plus qu’humaine...
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