Avant-propos
Le grenier est né, un mardi soir, avec quelques amis, et une bonne bouteille de vin, à parler de nos vies, et de nos plumes. Une idée de partage, un point de départ. Sans savoir ce que c'était pour donner. Juste comme ça. Prendre des personnages, des gens ordinaires, sur 100 ans, peut-être plus, et les asseoir à une même table, vus par nos yeux de maintenant. Comme des pièces d'un gigantesque puzzle.
Le grenier, c'est un coffre où nous vous invitons à venir découvrir des trésors. Le grenier… Le grenier, c'est un endroit magique, où nous pouvons être des enfants qui jouent à la marelle, des soldats morts au combat, des mères de famille, des curés aussi… Le grenier c'est, sous la poussière, la vie des gens ordinaires, des gens de chez nous… Initialement, le Grenier est né au Québec. Mais, au bout du compte, le monde est bien petit, et nos « parlures », pas si différentes au bout du compte.
Le grenier- Chapitre I
Par Patricia-Louise Jetté
Par Patricia-Louise Jetté
La mère était morte. Oh! Cela n'avait pas été une bien grande surprise. Elle était vieille, et même si elle était "faite forte", comme disaient les gens du village, cent ans, c'est un âge très vénérable, après tout. Elle était morte doucement, dans son sommeil. Chacun s'accordait à dire que c'était une bénédiction. Elle était tellement fière et orgueilleuse, qu'elle aurait rendu, par ses colères et ses jérémiades, la vie infernale à ceux qui auraient dû en prendre soin. Mais le Bon Dieu avait eu pitié.
Elle avait eu son lot d'enfants. Huit en tout. Et de petits enfants, d'arrière-petits-enfants, et même d'arrière-arrière-petits-enfants. Avec elle, pour le Noël dernier, ils avaient été près de 108 personnes à s'entasser dans la grande maison, où elle était née et qu'elle entretenait encore seule. Droite comme un i, elle avait accueilli tout son monde, elle, "la mère"... Personne n'aurait pu dire, à voir son visage à la peau si blanche et si transparente, tous les émois, les joies, parfois divines, parfois amères, les pleurs, la rage et le désespoir qui l'avaient si souvent visitée.
Elle était riche, disait-on, sans trop savoir si c'était par le nombre des années, ou par un hypothétique trésor qu'elle aurait dissimulé. Elle avait "du bien", ça, c'était sûr. La maison, en tout cas, et aussi d'autre chose, mais personne ne savait au juste quoi. La rumeur la transformait tour à tour en une avare qui avait bourré son matelas de dollars, en pauvresse qui était incapable de ne rien garder, et que la famille devait entretenir, ou en maîtresse femme, qui gérait avec adresse son pécule, et celui de ses enfants octogénaires.
De ses huit enfants, cinq étaient encore en vie. C'était dans la famille, la longévité. Mais les cinq, sauf Adrienne, étaient en "maison de vieux", placés là par leurs enfants. Adrienne, elle, était toujours restée avec maman, après le décès de son fiancé, alors qu'elle avait tout juste vingt ans. Mais Adrienne était sourde. Ou elle faisait semblant. On ne savait pas trop. Elle avait de qui tenir, murmurait-on.
Pour le testament, le notaire avait dû louer une salle, pour qu’ils soient tous présents. Elle avait laissé la maison à Jocelyn, un arrière-arrière-petit-fils artisan qui en rêvait. À condition qu'il y accueille qui en aurait besoin, et qu'il lui redonne son lustre d'antan. Les porcelaines, elles, avaient été léguées à Roberte, sa petite-fille, qui les avait toujours collectionnées. La dentelle, à Fanny, la seule petite-nièce qui était encore en vie. Et les meubles, la vaisselle, et l'argenterie... tout, morceau par morceau. Elle n'avait oublié personne, et avait même laissé, tracée de sa belle écriture élégante, un petit mot sur son beau vélin, celui qu'elle faisait faire pour les lettres qu'elle n'avait jamais cessé d'écrire.
La mère était morte. Et Jocelyn, les clés de fer forgé dans la main, regardait l'immense maison avec des étoiles dans les yeux. Adrienne resterait, bien sûr. Et Jasmine, sa fille allait l'aider. De toute façon, elle avait interrompu son cours d'histoire de l’art pour une année, désirant faire le point sur son avenir, et choisir entre enseigner, ou travailler dans un musée.
Ils n'avaient jamais vécu là. Ils en avaient seulement rêvé. Et même si la mère était morte, ils croyaient parfois la voir passer dans le corridor, du coin de l'œil, ou encore entendre le froufrou de ses longues jupes.
Jasmine, en jeans troués qui auraient fait sourciller la mère, décida que cette maison de deux étages et demi méritait d'être explorée. Aussi, elle trouva, dans le corridor du deuxième étage, une trappe menant au grenier, et armée d'un bloc, d'un stylo et d'une torche, elle s'y introduisit avec l'intention de faire l'inventaire.
Le grenier ressemblait à un décor de film. Une lucarne ronde permettait à une lumière fantomatique de s'y glisser. La poussière, déposée là par un ou deux siècles d'oubli, semblait-il, voletait doucement dans la raie de lumière, créant un étrange ballet argenté. Jasmine se mit à tousser, et se reprocha de n'avoir pas pris la pompe anti-allergène prescrite par son médecin dans une atmosphère qui, elle aurait dû s'en douter, réveillerait son asthme rebelle. Mais, comme la mère, elle était orgueilleuse, et décida de ne pas s'en préoccuper. Enfin, de simplement bouger plus lentement, afin d'éviter de faire lever des nuages de poussière.
Jasmine déposa la lampe torchère sur ce qui ressemblait à une boîte de fruits comme on en retrouvait sur les marchés. Le bois branlant céda sous le poids de la lampe, et un brouillard épais se leva... Jasmine se mit à rouspéter... Il lui faudrait redescendre chercher sa pompe, sinon, elle allait étouffer... Lorsqu'elle se pencha pour récupérer la lampe, elle aperçut une boîte de carton... on aurait dit une ancienne boîte de chocolats... Des papiers en dépassaient, des bouts de rubans... Sans réfléchir, elle ramassa le tout, se le fourra sous le bras, et redescendit dans la cuisine, pressée de se débarbouiller le visage, et de s'éloigner de toute cette poussière...
Regardant la boîte mystérieuse, Jasmine eut l’impression qu’il y avait là, un peu de son aïeule, ou, à tout le moins, un peu de l’histoire qui coulait dans ses veines… un peu de sa famille, quoi. Elle se prépara un grand café bien tassé, et, installée à la table où « la mère » prenait son petit-déjeuner, elle installa la boîte devant elle et l’ouvrit délicatement. Sur le dessus d’un assemblage hétéroclite, elle prit une lettre écrite d’une main maladroite. Elle avait l’impression d’écouter aux portes lorsqu’elle se mit à lire…
À vous d'écrire la suite !
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