IL POURRAIT... Version initiale

Chapitre 1 
Par Evelyne Fort




Il pleut dans la chambre. Le silence craque le plancher. L’air s’est raréfié de bonheur. Le café est noir. Le matin s’escapade de la nuit. L’extérieur appelle l’intérieur. L’intérieur rejette l’extérieur. Une chaise bouscule un tapis. Le tapis est gris. Le vide attend la couleur. La couleur se faufile sous la porte. La porte

attend l’ouverture. La chaise se couche sur le tapis. Le tapis est toujours gris. Le gris envahit son âme. Les vêtements pendent à la pathère. La fenêtre est close. Le miroir espère l’image. Il pleut dans la chambre.

Il pourrait se lever. Il pourrait s’agiter. Il pourrait vivre. Il préfère dormir. Un

cri l’attire au loin. Le cri atteint son œil. Le cri tourne dans sa tête. Le cri devient une voix. La voix roule dans son corps. Elle pénètre son cœur. Elle ondule dans ses mains.Ses mains sont froides. Elle les réchauffent fébrilement. Elle agite ses doigts. Il ouvre l’œil.

Il se dit dans son lit.

Quel soleil peindre aujourd’hui ?
Le matin s’est enfuit vers un chant.
Le corps beau s’ennuit dans l’expression.
L’expression n’a pas le sang…
Ce matin c’est ainsi !

La vieille fenêtre gémit, enfle, se gondole, s’ouvre brutalement sous la bourrasque galopante d’un vent levant venant de loin. Le cri du loin, chevauche le vent, voyage depuis des années, des siècles, des nuits-lumières… Des lustres de civilisation…

Il lui dit : « Allez, de l’audace qui crée la rupture du voyage, encore de l’audace qui révolutionne la rencontre d’autres espaces, toujours de l’audace qui devance la millionième seconde à venir, zèbre en un éclair le destin des misères !»

Le cri convoque des voix d’autrefois : Antigone, Cassiopée, Hélène, Médée,

Cassandre perdues dans la grande liste de la tourmente, qui s’allonge dans
une grande jupe de sons. Les sons se croisent, se pèlent-mêlent, s’apostrophent, se soudent en une seule Voix. La Voix enfile sa jupe et la laisse trainer sur le bitume des rendez-vous, des 12ème matin, des 7ème mois, des 5ème saison de l’année de l’Apocalypse à venir.

La Voix respire, il lui reste du temps pour préparer cette journée particulière. Du temps pour flâner, rêver, saupoudrer le quotidien d’idées sacrées-poivrées,

légèrement acidulées, métissées de suaves et toniques.

Au détour d’une courbe d’un autre temps, la Voix s’arrête dans une ruelle …

…. se suspend, et conjugue futur antérieur et plus-que parfait, au passé simple du présent. … elle quitte cette suspension de temps, métamorphosée, enrichie, anoblie… Elle marche élégamment et sa jupe glisse sur un arc en ciel de sons de couleurs d’expressions …

Il se lève maintenant . Il ferme la fenêtre.Il ne voit pas la Voix. Mais la Voix est entrée. Il la pressent. Il la ressent.Elle siffle à ses oreilles. Il va au chevalet. La Voix va au pinceau. Les couleurs attendent sur la palette. Elles frémissent de désir. Elles attendent l’expression.Elles attendent la vie.

Il ferme les yeux. Oh ! Rien. Pas une seconde. Pas un soupir.

Il saisit le pinceau. La Voix l’envahit, lui foudroie les doigts d’un galop d’inspiration, elle valse dans son bras, atterrit dans son cœur qui se met à bondir, elle y tournoie, dans une vague de sang qui se projette sur la toile…,

la Voix dans le ressac, envahit les poumons, halète, et se glisse au cerveau. Il est en fièvre. Il peint du sang. Il peint bord temps. La voix exulte, se cabre, hennit, fuit de lui, fait le tour de la chambre sans issue, puis revient dans un galop trépidant et se rue à nouveau sur lui, l’envahit tout entier. Les sons se
mêlent. Voix de femmes de l’oubli. Les couleurs s’entrechoquent. La jupe de la Voix se déplisse sur la toile.

La vieille fenêtre gémit, enfle, se gondole, s’ouvre brutalement sous la bourrasque galopante d’un vent levant venant de loin . La jupe s’envole sur le pont des Arts. La jupe emmène la Voix qui s’enfuit , elle siffle à son oreille quelques dernières paroles ultimes afin qu’il n’oublie pas ! Il devient fou. Il n’entend plus la Voix .



À vous d'écrire la suite !

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