Le sens de la vie

Céline Spreux
Novembre 2012


Marie était étendue sur son lit, à regarder le plafond, un sourire aux lèvres.

Elle avait froid, mais se sentait apaisée.

Une large flaque de sang se répandait sur son matelas au fur et à mesure qu'il quittait son corps par les orifices qu'elle avait taillé sur chacune des veines de ses avant-bras.

Elle avait l'impression de s'enfoncer doucement dans un étrange rêve tandis qu'elle perdait connaissance.

Il paraît qu'on voit sa vie défiler sous ses yeux à l’ instant de sa mort, mais comme le flash ne venait pas, Marie se mit à penser à ce qu'elle avait été.


Bien que son enfance fut agréable et sans histoire, qu’elle eue de nombreux amis et une famille aimante, qu’elle put se marier avec son premier grand amour, il n’en reste pas moins qu'elle se sentait incomplète, insatisfaite de ne pas avoir été jusqu'au de ses rêves d'enfant, à savoir de devenir archéologue.

Elle aurait voulu partir à la découverte du passé de l'humanité, explorer le monde, révéler des intrigues de l'histoire.

Au lieu de ça, elle s’était sagement mariée, avait fait un enfant et accepté en emploi de bibliothécaire.

En réalité, elle s'ennuyait. Elle venait d'avoir 35 ans et refusait d'admettre que pour devenir une adulte, il fallait renoncer à ces rêves d’enfant.

Elle avait toujours pensé qu’elle réussirait. Elle rêvait d’avoir une carrière dans laquelle elle serait pleinement épanouie, où elle saurait trouver à la fois l’excitation de la recherche et la reconnaissance du milieu dans lequel elle évoluerait. Après tout, était-ce si étrange que de vouloir laisser une trace sur Terre ? Etait-ce trop rêver que de vouloir être connue et reconnue pour ses compétences ? Devait-on se contenter de ce que la vie nous offrait au fil du chemin (tracé ou non) ? Elle refusait d’admettre qu’elle ne pouvait pas être ce qu’elle voulait être, de ne pas pouvoir encore changer les choses. Pourtant, les années passaient et rien n’avait encore évolué, son espoir s’était envolé petit à petit qu’elle écoutait les personnes autour d’elle lui dire qu’elle devrait se contenter de la chance qu’elle avait et cesse de s’imaginer une autre vie.

A quoi vous était-il utile de vivre si ce n'était pour vivre sa passion avec intensité ?

Elle en était à se dire que la vie ne valait pas la peine d’être vécue sans passion quand, soudain, elle se sentit soulevée, comme plus légère, elle se dit que, peut-être, elle montait au paradis, ou que son âme s’élevait de son corps pour rejoindre un lieu inconnu.

Puis ce fut le trou noir…

Un bruit… Comme un bip sonore qui émet à un rythme régulier.

Une sensation, le poids, celui de son corps endolori par l'épreuve qu'il vient de subir, qui se réveillerait doucement.

Puis ses yeux qui s'ouvrent, d'abord aveuglés par la lumière, elle réalise qu'elle dans une chambre.

Elle tourne alors les yeux à gauche, un autre patient est allongé sur un lit et semble dormir.

Puis, elle tourne alors ses yeux vers la droite.

Assis sur le fauteuil son mari. Son fils est assoupi sur ses genoux, recroquevillé en position fœtale. Il est si beau. Si parfait.

Alors, elle se met à pleurer comme jamais auparavant. Honteuse de son geste, réalisant la peine qu’elle a dû causer. Son mari qui s'aperçoit qu'elle est réveillée, se penche vers elle pour la rassurer. Il est si doux, si gentil. Il la regarde avec son expression qui dit « ne t’inquiètes pas, je vais m’occuper de toi et tout ira bien ».

Elle continue de pleurer. Non plus parce qu'elle a honte ou qu’elle est triste, mais plutôt parce qu’elle vient de comprendre la chance qu'elle a d'avoir deux personnes qui l’aiment et qu’elle aime si profondément. Ils sont une famille, un lien indescriptible les unit. Un lien plus fort que tous les rêves du monde. Le lien de l’amour, le lien de la vie.

Reposant sa tête sur l’oreiller, elle les regarde tendrement en se disant que finalement, c'est peut-être bien ça le vrai sens de la vie.