Mai 2013
Elle va voir à qui elle a affaire cette petite pimbêche, elle va voir le monde tourbillonner, le sol se rapprocher, elle va sentir son cœur monter dans sa gorge. Bleurk ! Bleurk ! Va oublier comment elle s’appelle. Elle va en avaler sa langue de vipère, langue qu’elle n’a jamais daigné m’offrir, d’ailleurs. Elle va en dégueuler sa date de naissance, la Sylvie.
Non mais, elle croit qu’elle va longtemps me résister cette petite conne ? Que le Gérard il va attendre longtemps qu’elle sorte avec lui. Je pue de la gueule ou quoi ? Je l’ai invitée au drugstore, je l’ai baladée dans ma Messer Schmidt à Marly la Forêt, je l’ai emmenée à la foire à la ferraille, je l’ai présentée à mes parents sans obtenir la moindre faveur. Même pas le plus petit flirt. Walou. Et pourtant je sais qu’elle n’a pas de petit ami. Qu’elle est vierge. Oui pardi !
Alors aujourd’hui je déploie le grand jeu. Je vais lui en foutre plein la vue, la remuer dans son petit corps frigide, faute de hurler de plaisir, elle va hurler de terreur. Va monter au septième ciel en tourbillonnant, la tête à l’envers, le cœur en grelot. Je vais lui faire tracer mon nom G.E.R.A.R.D. sur fond de ciel et elle va me supplier d’arrêter. Mais je ne céderai pas. Elle va partir en vrille, elle va se transformer en toupie géante. Vroum !
« Je suis pas prête » qu’elle me jette tout le temps à la tête. « Faut que je m’habitue à toi. Que je connaisse ta famille. Que tu m’emmènes au restau, au ciné, au théâtre, aux expos, avant de me mettre dans ton lit » Y’a des passages obligatoires, un tribut à payer pour coucher avec cette petite prétentieuse. Elle veut que je lui en jette plein la vue. Et bien elle va l’avoir son grand chamboulement, son grand chambardement. Elle va la sentir passer sa période probatoire ! Non mais des fois !
Je vais passer la chercher chez elle pour la conduire à l’aérodrome à l’aveuglette. Vais la guider sur le tarmac, un bandeau sur les yeux. La mener au hangar où sont parqués les planeurs, la hisser dans le cockpit et là seulement lui ôter son bandeau. Je vais la hisser dans le zinc en la poussant par son joli petit cul et elle va se retrouver harnachée dans l’étroit habitacle derrière mon dos. Je vais lui ôter son bandeau et elle va crier de surprise et d’angoisse et me supplier de la laisser au sol. Je suis sûr que c’est une trouillarde, qu’elle va en pisser dans sa petite culotte à l’idée de monter avec moi dans un petit zinc. Elle va s’en souvenir de son baptême de l’air, la minette !
Une fois bien calée au fond du zinc, elle va entendre le moteur vrombir, Vroum ! Vroum ! le trouillomètre à zéro. Impossible d’échapper au traitement que je vais lui faire subir : je la tiens enfin à ma merci, Princesse Sylvie.
Dans la cabine de pilotage j’ai à ma disposition tous ces leviers et ces cadrans pour lui assurer un vol décapant. Le manche à balai attend que je le manipule. Enfin je lâche les gaz, dégage le manche à balai et le petit zinc s’élance sur le tarmac. Il prend de plus en plus de vitesse pour s’arracher à la pesanteur. Enfin il décolle et un petit frisson de plaisir me parcourt l’échine. Je l’entends crier qu’elle a mal aux oreilles. Aïe ! Ouille, ouille !
A fond les gaz j’entreprends un looping : je me retrouve la tête en bas, le cœur qui se décroche, l’estomac dans les talons, et les gaz qui remontent à la gorge tandis que ma passagère pousse des cris de frayeur. Au secours ! Encouragé par ses jurons : putain de merde, enc…d’ta mère…je me lance dans des figures intrépides : des arabesques, des circonvolutions, des tourbillons, des tonneaux où ma passagère pas sage est tourneboulée comme une salade dans une essoreuse. Une nouvelle bordée d’injures et d’imprécations couvrent le bruit du moteur : bordel de merde, fils de pute ! Elle en émerge toute groggie, mutique pendant quelques minutes, le temps de reprendre son souffle. Mais le supplice ne s’arrête pas là : elle va crier mon nom : Géraaard ! je vais l’avoir à ma merci. J’amorce une chandelle et un piqué qui achèvent de la décerveler. Yaaaouh !
Elle profite d’une accalmie pour vomir son petit déjeuner dans le sachet aménagé à cet effet. Beurk ! Une odeur nauséabonde envahit l’habitacle. La Sylvie est en train de perdre de son prestige. Je me retourne pour voir dans quel état elle est : blême, les cheveux hirsutes, toute dépoitraillée, elle me fait une horrible grimace :
Espèce de pervers, tu vas me redescendre immédiatement.
Alors j’entreprends une descente en vrille. Vertige maximal assuré sur une durée intolérable. La Sylvie a le temps de savourer chaque spirale de mes tourbillons comme prise dans une tornade. Elle a le sang qui lui monte à la tête, et crie sans discontinuer, une mélopée en l’honneur de ma dextérité. Aouhaaa ! Ce chant me galvanise et je fais preuve de prouesse en manipulant le balai. Mon moniteur serait fier de moi, lui qui m’a octroyé mon brevet la semaine dernière. Je m’empresse de le signaler à Sylvie, ce qui a pour effet de rendre sa mélopée plus criante. Dans un souffle elle me demande s’il y a des parachutes. Je lui réponds chut ! Chut !
Le sol se rapproche de nous à grande vitesse. Il s’agit pas de louper le couloir d’atterrissage. Le zinc vrombit à toute berzingue, mes oreilles se bouchent sous la pression. Sylvie gueule qu’elle a mal aux oreilles, mais je n’ai pas de chewing-gum à lui offrir. A qu’a mâcher sa langue. Un peu de patience et tu vas retrouver le plancher à vache, ma chérie. En attendant rien n’est gagné ! Le balai tremble dangereusement dans la paume de ma main. Les aiguilles des cadrans oscillent compulsivement. Mon zinc est en train de se vautrer sur le côté. Je redresse magistralement sans entendre de protestation de la part de ma passagère. Je me retourne : elle est pâle comme une morte ; elle a dû s’évanouir de terreur.
Dans un vrombissement assourdissant de carlingue frottée j’atterris en faisant des étincelles sur le tarmac. Scrountch ! La secousse qui s’ensuit ne réveille pas mon amie. Est-elle morte de trouille ? Il ne me reste plus qu’à lui administrer le bouche à bouche pour la réveiller. Smac ! Smac !
Et c’est moi qui me réveille, la bouche pâteuse, la gueule de bois. Faut que j’appelle Sylvie pour lui proposer de voir une expo. Allo ! Allo ! C’est ce qu’il y a de moins cher dans ce qu’elle a envie de faire avec moi. Voilà : Je vais l’emmener au musée de l’aéronautique. Avec mes Ray-bans et mon blouson de pilote. Pas très rock, mais romantique ! Ca va le faire…faute de s’envoyer en l’air.
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