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Mai 2013
Clara se tient debout, les bras ballants, le visage empreint d'une douleur qu'elle tente vainement de contenir.
Face à elle, semblant régner sur la petite chambre, une armoire en chêne, brillante à force d'être cirée.
Une vague odeur de renfermée flotte dans la petite pièce. Clara ayant ouvert la fenêtre donnant sur les grands pins du parc, un air frais s'engouffre entre les meubles, rafraichissant le visage de la jeune femme.
La chambre n'a pour tout confort qu'un petit lit portant un édredon au motif fleuri avec en face, une table basse noire où divers bibelots portant une épaisse couche de poussière trônent.
Clara respire un grand coup, comme pour se donner du courage et tends une main blanche vers l'armoire qu'elle ouvre lentement.
La porte émet un grincement sinistre. Une odeur ancienne de cire se répand dans la pièce, enveloppant la jeune femme de lointains souvenirs.
Gamine, elle passait ses vacances d'été dans la grande maison familiale où sa grand-mère aimait à réunir ses petits-enfants.
Clara secoue la tête, chassant ses images qui la faisaient encore souffrir. Des boucles brunes auréolent alors son visage.
« Tu as finie ? » demande Mabelle se tenant dans l'encadrement de la porte.
Clara a un sourire triste à l'attention de sa jumelle.
« Pas du tout ; je n'ai même pas commencée.
Je vois. »
Mabelle s'approche de sa sœur et l'entoure de ses bras.
« Je vais t'aider, on ira plus vite et puis moi, la jeune femme balaye la pièce d'un geste de la main, tout ça ne me fais rien. »
Une fois de plus Clara admire le caractère de sœur donnant tout au présent alors qu'elle-même se complait à vivre dans le passé.
Chacune vit ce deuil d'une manière différente, les séparant un peu.
Mabelle s'avançe d'un pas décidé vers l'armoire ouverte et jette un regard perçant sur les draps blancs qui attendent sagement de recouvrir un lit. Elle les attrape d'une main vigoureuse et les jette plus qu'elle ne les pose, dans un grand sac plastique prévu à cet effet. Elle réserve le même sort aux taies d'oreillers et serviettes de bains.
Clara, elle, craintive des souvenirs, pose des doigts tremblants sur de vieilles robes.
« Je me souviens quand grand-mère portait ça…
Ah non ! tempête Mabelle. Tu n'y arriveras jamais si tu te fais une séquence nostalgie à chaque vêtement et objet. La maison est en vente, les papiers vont-être signés, il faut tout vider au plus vite. »
Clara se résigne à suivre les conseils de sa jumelle et elles eurent tôt fait de vider l'armoire.
« Ҫa y est, il ne reste rien, déclare Mabelle satisfaite. Je te laisse fermer la pièce tandis que je descends les sacs dans la voiture.
D'accord, je te rejoins. »
Clara passant une main sur son front brûlant pose son visage contre les carreaux froids de la fenêtre qu'elle a fermé.
Son regard se porte sur les quelques hectares du jardin où mimosas jaunes et pins se côtoient dans une ambiance printanière.
Une larme coule sur la joue de la jeune femme, plus jamais son regard ne se portera sur tout ça. Plus jamais de jour de l'an célébré en famille, désormais, il ne resterait que des "plus jamais".
Clara ferme la porte de la chambre, le cœur serré, avec l'envie de vomir sa tristesse qui la tenaille.
Elle descend une dernière fois les marches rouges de l'escalier posant sa main sur le bois de la rambarde.
Mabelle attend sa sœur devant la porte d'entrée.
« Ҫa va aller ?
Oui. »
La lourde porte claque derrière elle comme un cri déchirant, un aurevoir qui ne se finit pas.
Au loin, une balançoire grince faiblement, poussé par le vent.
Clara prend la main de sa sœur dans la sienne.
« Nous ne reviendrons plus, je n'arrive pas à réaliser et pourtant tout ça me manque déjà. »
Mabelle sourit, ne dit rien, mais presse sa jumelle contre elle et sent quelque chose qui la pique à travers la poche en coton de Clara.
« Qu'est-ce que c'est ?» demande-t-elle étonné.
Sa sœur sourit malicieusement et sort de son vêtement une petite broche en argent représentant une cigale.
« Elle était à grand-mère, sa mère lui avait offerte pour ses vingt et un ans.
Elle est un peu ternie, où l'as-tu trouvée ?
Au fond de l'armoire, sous une pile de linge.
Clara serre le bijou dans la paume de sa main.
C'est comme un dernier cadeau, une dernière réminiscence d'elle. »
Mabelle et Clara tournent alors le dos à la maison et se dirigent vers la petite Seat Marbella au coffre encombré de cartons.
« Je pense à une chose tout d'un coup, reprend Mabelle.
A quoi ?
Maintenant que nous avons vidées l'armoire, qui va la récupérer ?
Je n'en ai pas la moindre idée, je crois que Loïc la veut. S'il ne la prend pas, j'imagine qu'elle restera là. Peut-être que la nouvelle famille y enfermera à son tour des souvenirs.
Oui, peut-être. »
Et les deux sœurs quittent définitivement la vieille maison où leur grand-mère avait réussi à prodiguer tant d'amour autour d'elle ; elles ne laissent derrière elles, qu'une armoire vide…emplis cependant de souvenirs invisibles.
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