Je ne croise absolument pas son regard pourtant je sens que ces yeux grignotent chaque millimètre de ma peau. C’est à cause de ma coiffure j’en suis sûre !
Je n’aurais jamais dû innover et vouloir être « tendance ». Ce gros nœud sur le sommet de mon crâne s’apparente de trop à une fête de Pâques anticipée… Et avec toute cette neige, un bonnet rouge aurait été de circonstance. Est-ce que ça changerait quelque chose ?
Grand Dieu et ce bourdonnement désagréable qui ne s’arrête jamais ! Je ne pourrai pas garder mon calme très longtemps, ma tolérance a des limites !
La cocotte est pleine, STOP, je dois partir, courir pour échapper à ce tintamarre.
Je sens le sable trop chaud sous mes pieds et ils courent tous derrière moi. Ce bruit assourdissant et redondant me pique dans les oreilles et me donne le tournis.
Je me sens aspirée, je tombe et mon cœur va se rompre. Je suffoque… Je respire à nouveau, ouvre les yeux.
« MERDE !! Satané réveil »
J’aurais aimé être Alice au pays des merveilles à cet instant précis ! Au moins tu te lèves revigorée et qui plus est la tête pleine d’idées !
Au lieu de cela, la réalité me dicte que pour cette fois je vais prévenir de mon retard, ça me laissera le temps d’être plus présentable qu’à l’accoutumée.
A cette heure je ne vois guère qu’une solution pour être rapide et efficace : le métro.
Et je me dis que lorsque la poisse commence au lever, il faudrait avoir le cran de demander un RTT spontané pour éviter le risque que le sort s’acharne.
Je range cette réflexion dans mon placard à méditer et file à la station.
Je comprends, à l’instant même où je descends les escaliers et que le vent me jette un violent coup sur le visage, pourquoi j’affectionne davantage la folie douce des automobilistes. Je ne parle bien évidemment pas du peu d’espace vital qu’il me reste dans le wagon !
J’adopte malgré tout un air détendu en observant mes compagnons de route tous affairés à quelques de leurs occupations favorites : le grattage de nez étant, à mon sens, le top 5 de la priorité de mes voisins! Heureusement, un air rythmé détourne mon attention. Les musiciens entament une musique qui va traîner, je le sens, ses notes dans ma cervelle tout ce début de matinée en restant optimiste.
Une présence derrière moi, liée à une sensation inqualifiable de bien ou de mal, se révèle de plus en plus pressante. Comme une chaleur qui s’intensifie, qu’on aime au départ et qui gêne par la suite à force d’intensité.
Je me retourne sans trop savoir et me retrouve en face d’elle.
Je la regarde, ne croise pas son regard mais je grignote chaque millimètre de sa peau. Elle n’aurait pas dû, pour sûr, essayer d’être tendance et innover avec ce gros nœud sur la tête. Pâques ne se fête que dans 4 mois tout de même !
Elle, ne déjouant pas mon insistance, pose sa main sur mon épaule et plonge son regard bleu transparent dans mes yeux noirs. Cette main à la fois pesante au point que je pourrais flancher et tomber à genou, et à la fois douce et chaleureuse, libère en moi une vague d’inquiétudes et ravive nombre d’images que j’avais perdues depuis longtemps.
Elle s’approche et me chuchote à l’oreille :
« Je ne porterai pas de bonnet rouge sous prétexte qu’il neige dehors… Et ne compte pas sur moi pour t’accompagner sur le sable chaud… »
Son rire fracassant me glace le sang et je perds en une seconde la notion de toutes choses, de tous sens. Je reste immobile comme pour me fondre dans la masse, mes pensées tourbillonnant, tandis que les voyageurs me séparent de mon cauchemar.
Le temps de reprendre toutes les fonctions essentielles à ma redescente sur Terre, elle a déjà disparu me laissant là, lasse avec mon bourdonnement d’interrogations.
Cette journée est placée sous l’influence de l’incompréhension et il ne me tarde pas de faire le chemin à l’inverse, ce qui est pourtant inévitable.
A l’heure H, de retour en gare, je scrute les alentours mais rien ne se passe. Je suis malgré tout un peu déçue. Sans trop savoir pourquoi un sentiment amer a pris possession de mon être et je rejoins mon chez moi sans flâner.
A mon arrivée, j’ouvre ma boîte aux lettres sans y porter plus d’intérêt jusqu’à ce qu’une carte de visite ne tombe de mon courrier.
Le nœud de l’image me frappe de plein fouet.
Sur la carte est écrit :
Mme Lacé
Spécialiste des rêves inachevés.
Je retourne la carte en tremblant : RENDEZ-VOUS DANS VOS SONGES….. CETTE NUIT.
Ce texte m'a bien plu car il est bien écrit et qu'il me procure des sentiments contradictoires. L'emploi du fantastique est bien maîtrisé. La chute aurait pu être meilleure mais bravo à l'auteure.
RépondreSupprimerTrès amusant. J'ai beaucoup aimé ce texte. Je me suis bien identifiée à l'héroïne qui court attraper son métro, en retard à cause d'un rêve inachevé... un rêve incongru à souhait.
RépondreSupprimerTexte sympa entre merveilleux et fantastique. Je rejoins Sylvain, à la fin, on reste un peu sur notre faim...:)
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